Le design-build: collaborer pour mieux construire

Nicolas Lapierre, Francis Pelletier et Francis Martel Labrecque

Le design-build, ou conception-construction en français, est une méthode de livraison de projets qui a été utilisée pour l’élaboration de Maison Melba. Ainsi, concepteur et entrepreneur travaillent ensemble dès le début, en équipe, fournissant des recommandations unifiées, adaptées au calendrier et au budget du client. Nous avons discuté avec les architectes Nicolas Lapierre et Francis Martel Labrecque, de la firme L’Abri, ainsi qu’avec Francis Pelletier, architecte de formation et responsable de la construction à Modulor, pour en apprendre plus sur cette façon de faire.


Qu’est-ce que le design-build?

Francis Martel Labrecque: Le design-build, c’est de mettre en parallèle des étapes qui habituellement sont mises bout à bout. Le processus classique en construction, c’est la conception du projet par les architectes, suivie des soumissions aux entrepreneurs, du choix de l’entrepreneur et du lancement des travaux. Ça fait souvent des projets qui sont plus longs, dans lesquels il y a beaucoup d’allers-retours.

Francis Pelletier: Dans la formule classique, les architectes ont le lead au début du projet et à un moment donné, l’entrepreneur prend le relais.

Francis M.L.: Avec le design-build, il peut y avoir différentes formules, mais pour Maison Melba, dès nos premières esquisses, Modulor – l’entrepreneur – était impliqué dans le projet. Ça reste que ce sont les architectes qui gèrent les premières étapes, mais toujours avec l’apport de l’entrepreneur, qui peut dire ce qu’il est possible de faire ou non. Habituellement, le design-build permet d’accélérer le processus : tu valides le budget à mesure que tu avances, donc tu cours moins de risques de devoir revenir en arrière.


Est-ce une façon de faire récente?
Francis M.L.: Elle existe depuis la nuit des temps, je dirais! Pour nous, c’est revenir à l’essence de notre travail. La conception et la construction sont des phases différentes, mais ce sont les mêmes industries. Tu commences la conception et après tu remplaces le crayon par une perceuse, et là, tu construis le projet. C’est la formule qu’on préfère. Même quand on travaille de façon plus conventionnelle, avec d’autres, on aime collaborer avec l’entrepreneur tôt dans le processus. On aime avoir ces échanges-là, qui sont riches, avant de terminer nos dessins.

Nicolas L.: En résumé, pour ajouter à ce que Francis a dit, avec le design-build, tu as une intelligence collective dès le départ. Chaque personne concernée par le projet est assise autour de la même table, y compris le client. Avant, tu avais l’architecte qui était aussi maçon. C’est l’époque moderne qui a généré des fragmentations du processus; avec les appels d’offres, tout s’est standardisé et des étapes distinctes ont été créées. Ce qu’on ramène, avec le design-build, c’est une équipe de projet qui travaille conjointement vers un but commun, celui de réaliser le meilleur projet possible. Ça prend beaucoup de confiance de la part du client parce que dès le début, il choisit l’ensemble de ses partenaires. Cela dit, après, ça assure une qualité d’exécution.

Francis M.L.: Finalement, le design-build, c’est la collaboration des deux entreprises : celle qui va construire et celle qui fait la conception tôt dans le processus.


Dans le cas de Maison Melba, on parle de L’Abri et de Modulor?

Francis P.: Oui, ce sont deux entreprises séparées, mais qui appartiennent à nous trois.

Nicolas L.: On a passé nos licences d’entrepreneurs généraux quand on était à l’école d’architecture. Dans le temps, on a séparé les deux entreprises pour plein de raisons légales. Ç’a permis la croissance de chaque entreprise de façon plus structurée et indépendante, mais étant donné la parenté ente les deux, le design-build est toujours offert à nos clients. Avec les années, il y a une synergie qui s’est développée entre les deux entreprises. Même nos bons coups, on les «challenge», et on va plus loin de projet en projet.

Francis M.L.: Comme on travaille souvent ensemble, on peut se parler de ce qui a bien et mal été dans un projet pour éviter de reproduire des erreurs. C’est la force de travailler ensemble de façon répétée, en tant que concepteurs et constructeurs.

Quels sont les défis liés au design-build?

Francis P.: Le défi, c’est que chaque nouveau projet, on ne l’a jamais fait. On peut faire une analogie avec les constructeurs de voitures. Il y a les manufacturiers de voitures en série. Et il y a nous, qui devons faire, pour une première fois, une voiture ultraperformante et unique… et il ne faut pas se planter.

Francis M.L.: Les clients nous approchent pour des constructions innovantes, qui sont nouvelles, avec un design unique. On est donc toujours en train de réinventer la roue.

Comment ça s’est passé avec Maison Melba?

Nicolas L.: Simon, le propriétaire, avait une grande vision pour Maison Melba, soit celle de pousser la durabilité, la fonctionnalité et l’esthétisme dans le design. Je pense que ça aurait été très difficile d’y arriver autrement qu’avec le design-build. Le design-build doit être très collaboratif entre l’architecte, l’entrepreneur, les sous-traitants, les ingénieurs et le client, et ç’a été le cas dans ce projet. Ça nous a permis d’éviter les compromis sur ce qui était important pour Simon.

Francis P.: Simon est un client qui était à l’aise avec un niveau de risque élevé. Pour lui, Maison Melba, c’est vraiment un prototype. Il était à l’aise d’essayer des choses au risque que ça ne soit peut-être pas parfait. Il a été très impliqué dans le processus et ç’a servi le projet.

Nicolas L.: Son ouverture et sa curiosité lui ont permis de profiter au maximum de ce que la formule peut offrir.

Francis M.L.: Le design de Maison Melba n’était pas 100% final quand les travaux ont commencé. Ça permet ça, aussi, le design-build. Quand tu travailles de manière traditionnelle, le design au fur et à mesure vient avec un risque plus élevé.

Francis M.L.: Modulor avait un chargé de projet sur le chantier qui a des compétences en menuiserie assez poussées : Lucas. Il apportait des points, des idées, qu’on validait. Il comprenait nos objectifs esthétiques et fonctionnels, et parfois, il jugeait que nos idées n’étaient pas tout à fait justes, donc il proposait ses façons d’arriver au même résultat. Il y avait beaucoup d’échanges super enrichissants durant la construction.

Le design-build génère donc vraiment un travail d’équipe et de collaboration?

Francis P.: C’est ça, le résumé. C’est fait de plein de petits échanges, alors que dans la méthode traditionnelle, on fait tout pour éviter les échanges. En design-build, on se parle tout le temps. Il n’y a personne qui a 100% de la réponse à une question, mais il y a toujours quelqu’un qui est plus compétent dans une partie de la réponse.

Nicolas L.: Ça permet de raffiner le projet jusqu’au bout, et de laisser de la place à de nouvelles idées. Ça permet beaucoup de fluidité.

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